PROJET de CHAUDIERE NOVAPEX Plateforme chimique Roches/Roussillon : STOP à cette parodie d'enquête publique !

Observations écrites d’AURA Environnement

à l’attention de M. le Commissaire enquêteur

dans le cadre de l’enquête publique relative au projet de 

création d’une nouvelle chaudière sur la plateforme chimique

de Roussillon sur la commune de Salaise-sur-Sanne !

Monsieur le Commissaire enquêteur,

Nous avons l’honneur de vous faire part de nos autres observations que suscite le projet de création d’une nouvelle chaudière sur la plateforme chimique de Roussillon à Salaise-sur-Sanne, actuellement soumis à enquête publique, que nous vous demandons de bien vouloir annexer à votre rapport, et de prendre en considération dans vos conclusions.

Ce projet de création d’une nouvelle chaudière, identifié sous le nom de « STARVAL », appelle de notre part plusieurs observations.

Plus précisément, ce projet consiste en la valorisation thermique des résidus de distillation de l’atelier de production de phénol.

La chaudière permettrait « de réduire les consommations d’énergies fossiles à l’échelle de la plateforme » et « d’éviter une consommation équivalente de gaz naturel pour la production de vapeur, dans un contexte de forte tension sur cette ressource et d’objectifs chiffrés au niveau national pour la réduction des consommations énergétiques ».

Dans le cadre de la réalisation de ce projet, la société pétitionnaire (ci-après « NOVAPEX ») soutient qu’il consisterait en la valorisation des flux de « sous-produits » issus de son activité de production.

Il sera pourtant ci-après démontré ci-après que les critères de qualification de « sous-produit » de l’article L. 541-4-2 du code de l’environnement ne sont pas remplis, les produits destinés à la combustion devant à notre sens être qualifiés de déchets.

Les observations qui suivent auront ainsi en premier lieu pour objet de démontrer l’illégalité de la qualification de sous-produits des éléments issus de l’activité de la pétitionnaire et destinés à la combustion (I.), avant que ne soient évoquées les contradictions entachant les documents soumis à enquête publique (II.).

I. Sur l’illégalité de la qualification de « sous-produit »

I.1. EN DROIT, les résidus de production remplissant les conditions de « sous-produits » au sens de l’article L. 541-4-2 du code de l’environnement ne sont pas considérés comme des déchets, et peuvent ainsi être utilisés comme combustibles au titre de la rubrique n° 2910-B s’il est démontré qu'il s'agit d'un sous-produit, ainsi que défini à l'article L. 541-4-2 du code de l'environnement.

Aux termes de l’article 5 de la directive 2008/98/CE :

« 1. Une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas la production dudit bien ne peut être considéré comme un sous-produit et non comme un déchet au sens de l’article 3, point 1, que si les conditions suivantes sont remplies :

a) l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet est certaine ;

b) la substance ou l’objet peut être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes ;

c) la substance ou l’objet est produit en faisant partie intégrante d’un processus de production ; et

d) l’utilisation ultérieure est légale, c’est-à-dire que la substance ou l’objet répond à toutes les prescriptions pertinentes relatives au produit, à l’environnement et à la protection de la santé prévues pour l’utilisation spécifique et n’aura pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine ».

L’article L. 541-4-2 du code de l’environnement dispose que :

« Une substance ou un objet issu d'un processus de production dont le but premier n'est pas la production de cette substance ou cet objet ne peut être considéré comme un sous-produit et non comme un déchet au sens de l'article L. 541-1-1 que si l'ensemble des conditions suivantes est rempli :

- l'utilisation ultérieure de la substance ou de l'objet est certaine ;

- la substance ou l'objet peut être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes ;

- la substance ou l'objet est produit en faisant partie intégrante d'un processus de production ;

- la substance ou l'objet répond à toutes les prescriptions relatives aux produits, à l'environnement et à la protection de la santé prévues pour l'utilisation ultérieure ;

- la substance ou l'objet n'aura pas d'incidences globales nocives pour l'environnement ou la santé humaine.

Les opérations de traitement de déchets ne constituent pas un processus de production au sens du présent article »

La direction générale de la prévention des risques précise dans sa note les conditions de la qualification de « sous-produit » de l’article L. 541-4-2 du code de l’environnement, en ce qui concerne des combustibles pouvant être incinérés dans une installation de combustion au titre de la rubrique 2910 de la nomenclature ICPE :

« 7.4. Résidus n’ayant pas le statut de déchet car remplissant les conditions du « sous-produit »

« L’exploitant d’une installation qui souhaite utiliser un résidu de production (que celui-ci soit produit sur le site ou non) comme combustible peut déposer un dossier de demande d’autorisation d’exploiter au titre de la rubrique 2910 de la nomenclature ICPE en démontrant qu’il s’agit d’un sous-produit comme défini dans l'article L. 541-4-2 du code de l'environnement. L’autorisation ne pourra être accordée que si l’exploitant est en mesure de démontrer que le résidu :

- a un pouvoir calorifique intéressant et que la totalité du résidu sera utilisée en combustion,

- ne nécessite pas de traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes pour être utilisé en combustion (notamment pas de traitement servant à l'extraction de polluants),

- est produit en faisant partie intégrante d'un processus de production, c'est-à-dire que sa production est inévitable lors de la fabrication du produit final recherché par l'exploitant,

- a une composition constante dans le temps ;

- répond à toutes les prescriptions relatives aux produits (norme par exemple, respect de REACH, etc.),

- n'aura pas d'incidences globales négatives pour l'environnement et la santé humaine : pour cela, une caractérisation physico-chimique du résidu et des gaz de combustion du résidu sont nécessaires.

L'exploitant doit également prouver que les techniques de combustion et la surveillance associée permettent de maîtriser dans la durée l'impact sanitaire et environnemental associé.

Une méthodologie associée de démonstration de l'incidence globale sur l'environnement et la santé humaine sera précisée dans un guide de l'INERIS. Dans ce cas, l’autorisation préfectorale définira les prescriptions nécessaires pour maîtriser l’impact environnemental de la combustion de ces résidus. »

La CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) a jugé que les conditions dans lesquelles un résidu de production pouvait être qualifié de sous-produit et non de déchet étaient cumulatives :

« 43      Ainsi qu’il découle de cette disposition, une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas la production de cette substance ou de ce produit peut être considéré comme étant non pas un « déchet », au sens de l’article 3, point 1, de cette directive, mais un « sous-produit », uniquement si les conditions cumulatives suivantes sont remplies. Premièrement, l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet doit être certaine. Deuxièmement, la substance ou l’objet doit pouvoir être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes. Troisièmement, la substance ou l’objet doit être produit en faisant partie intégrante d’un processus de production. Quatrièmement, l’utilisation ultérieure doit être légale, c’est-à-dire que la substance ou l’objet doit répondre à toutes les prescriptions pertinentes relatives au produit, à l’environnement et à la protection de la santé prévues pour l’utilisation spécifique et n’aura pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine.

44      Une substance ou un objet qui constitue un « sous-produit », au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98, n’est pas considéré comme étant un déchet relevant du champ d’application de cette directive. Ainsi, selon cette disposition, la qualité de « sous-produit » et le statut de « déchet » s’excluent mutuellement (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband « Region Gratkorn-Gratwein », C 629/19, EU:C:2020:824, point 71). » (CJUE, 17 novembre 2022, Porr Bau, C-624/17).

Ainsi, pour échapper à la qualification de déchet et se voir qualifier de sous-produit, le résidu doit remplir l’ensemble des conditions de l’article L.541-4-2 du code de l’environnement.

I.2. EN L’ESPECE, il est nécessaire d’analyser si les critères de l’article L. 541-4-2 du code de l’environnement (relatifs à la qualification de sous-produit) sont ou non remplis s’agissant des résidus de production issus de l’activité de la société Novapex.

I.2.1. Sur la non-conformité du guide de référence à la règlementation en vigueur

Le rapport de présentation de NOVAPEX s’appuie en son point 5.2.3 (p.28) sur les critères du guide « Modalités d’application de la nomenclature des installations classées pour le secteur de la gestion des déchets » du Ministère de la transition écologique et solidaire du 25 avril 2017 pour qualifier leurs déchets de « sous-produits ».

L’ancienne version était ainsi rédigée :

« L’exploitant d’une installation qui souhaite utiliser un résidu de production (que celui-ci soit produit sur le site ou non) comme combustible peut déposer un dossier de demande d’autorisation d’exploiter au titre de la rubrique 2910.B.1 ou 2910.B.2.b de la nomenclature ICPE en démontrant qu’il s’agit d’un sous-produit comme défini dans l'article L541-4-2 du code de l'environnement. L’autorisation ne pourra être accordée que si l’exploitant est en mesure de démontrer que le résidu :

- a un pouvoir calorifique intéressant et que la totalité du résidu sera utilisée en combustion,

- ne nécessite pas de traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes pour être utilisé en combustion (notamment pas de traitement servant à l'extraction de polluants),

- est produit en faisant partie intégrante d'un processus de production, c'est-à-dire que sa production est inévitable lors de la fabrication du produit final recherché par l'exploitant,

- a une composition constante dans le temps ;

- répond à toutes les prescriptions relatives aux produits (norme par exemple, obligations au titre du règlement REACH, etc.),

- n'aura pas d'incidences globales négatives pour l'environnement et la santé humaine supérieures à un combustible « classique » : pour cela, une caractérisation physicochimique du résidu et des gaz de combustion du résidu est utile. L'exploitant doit également prouver que les techniques de combustion et la surveillance associée permettent de maîtriser dans la durée impact sanitaire et environnemental associé. »

Ce dernier n’est pas conforme à la dernière version en vigueur.

En effet, une mise à jour a été réalisée à la date du 27 février 2022.

Cette dernière, intitulée « Note d’explication de la nomenclature ICPE des installations de gestion et de traitement de déchets » produite par la DGPR (Direction Générale de la Prévention des Risques) et le Ministère de la Transition Ecologique, demeure donc à ce jour la seule version de référence.

Par cette mise à jour, une modification importante a été opérée au sixième critère de qualification, étant désormais exigé que la substance ou l’objet « - n'aura pas d'incidences globales négatives pour l'environnement et la santé humaine : pour cela, une caractérisation physico-chimique du résidu et des gaz de combustion du résidu sont nécessaires ».

Force est de constater que la mention « supérieures à un combustible « classique », sur laquelle nous reviendrons plus tard, a été supprimée.

I.2.2 Sur la prétendue affirmation selon laquelle le résidu « … ne nécessite pas de traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes pour être utilisé en combustion (notamment pas de traitement servant à l'extraction de polluants) »

En premier lieu, au point 5.2.3.2, NOVAPEX entend démontrer que le résidu « … ne nécessite pas de traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes pour être utilisé en combustion (notamment pas de traitement servant à l'extraction de polluants) voir calorifique intéressant et que la totalité du résidu sera utilisée en combustion ».

L’article L.541-1-1 du code de l’environnement définit le « traitement » comme « toute opération de valorisation ou d’élimination, y compris la préparation qui précède la valorisation ou l’élimination ».

Le Tribunal administratif de Lille a récemment eu l’occasion de se prononcer sur la question de la distinction entre un « traitement supplémentaire » et une « pratique industrielle courante » :

« 4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Aliphos Rotterdam BV stocke sur le site de son installation dunkerquoise des résidus issus du processus de production de phosphate et notamment des " résidus CCP " et du dicalgypse. D'une part, selon le rapport de l'inspection des installations classées en date du 27 juin 2018, la filière d'utilisation du dicalgypse est en cours de constitution et son utilisation en tant que matière première par les fabricants d'engrais n'est pas certaine. Si la société requérante a, durant l'année 2019, vendu à un tel fabricant 500 tonnes de ce type de résidus, cette commande, postérieure à l'édiction de l'amende attaquée, n'a été conclue qu'en vue de la réalisation d'essais et n'a pas été renouvelée. D'autre part, si les " résidus CCP " ont une composition proche de la roche phosphatée, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils pourraient être utilisés directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes et recevoir ainsi la qualification de sous-produit, la société requérante les ayant elle-même classés en tant que déchets dangereux dans son porter à connaissance du 11 décembre 2017. Dans ces conditions, tant le dicalgypse que les " résidus CCP " ne remplissent pas l'ensemble des conditions cumulatives fixées par l'article L. 541-4-2 précité du code de l'environnement pour être qualifiés de sous-produit et constituent, dès lors, des déchets dont l'écotoxicité est par ailleurs établie par les analyses scientifiques réalisées sur les prélèvements effectués le 25 mars 2019. » Tribunal administratif de Lille, 5e ch., 9 janvier 2023, n°1905111

Dans une autre décision, le tribunal administratif de Lille a également pu qualifier de traitement et non de pratiques industrielles courantes l’opération « consistant à extraire des produits polluants de matières valorisables » :

«  Il ne résulte pas de l'instruction que cette opération consistant à extraire des produits polluants de matières valorisables ferait partie des pratiques industrielles courantes au sens des dispositions de l'article L. 541-4-2 du code de l'environnement précitées. En outre, si la société requérante se prévaut d'un arrêté du préfet de la Marne du 4 août 2022 autorisant l'exploitation d'un autre stock de dicalgypse, il ressort des termes mêmes de cet arrêté que ce lot n'était pas mélangé aux résidus CCP et pouvait être valorisé sans qu'il soit nécessaire de réaliser des opérations de tri. Dans ces conditions, l'ensemble des résidus de production entreposés au sein de l'installation de la société Aliphos Rotterdam BV ne peuvent être qualifiés de sous-produit au sens de l'article L. 541-4-2 du code de l'environnement. Ils doivent, par conséquent, recevoir la qualification de déchet au sens des dispositions de l'article L. 541-1-1 du même code. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait inexactement qualifié le dicalgypse et les résidus CCP entreposés sur le site anciennement exploité par la société Aliphos Rotterdam BV doit, dès lors, être écarté. » (Tribunal administratif de Lille, 5e ch., 31 juillet 2023, n°2007960).

La Cour administrative d’appel de Marseille a considéré qu’une transformation préalable excluait la possible qualification de sous-produit :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que les plastisols déclassés litigieux constituaient le résultat d’une processus de fabrication dont le détenteur initial, la société Sanglar, entendait se défaire ; que la réutilisation de ces matériaux dans la continuité du processus de production n’était pas certaine et ne pouvait intervenir sans transformation préalable ; que, par suite, les produits en cause constituaient des déchets au sens des dispositions précitées du code de l’environnement ; que la circonstance que la société SEOLANE entendait commercialiser ces plastisols déclassés n’avait pas pour effet de leur faire perdre leur qualité de déchets ; que, par suite, c’est à juste titre que le préfet de Vaucluse a estimé que les produits litigieux constituaient des déchets  » (Cour administrative d’appel de Marseille, 7e ch., 29 mai 2012, 10MA01496).

De la même manière, la Cour de cassation a elle aussi considéré qu’un traitement de stabilisation constituait une transformation préalable incompatible avec la définition de sous-produit :

« qu'il retient également que ces boues, ayant subi deux traitements de stabilisation biologique, le premier par voie d'aérobie en présence d'oxygène et le second par voie d'anaérobie en absence d'oxygène, puis ayant été ensuite déshydratées et soumises à un ultime traitement de stabilisation de type chimique par l'ajout de chaux vive, ont fait l'objet d'une transformation préalable incompatible avec la définition de sous-produit » (Cour de cassation, Ch. commerciale, 26 juin 2012, n°11-10.770)

Plus récemment, la Cour administrative de Paris s’est aussi fondée sur la transformation préalable d’un résidu provenant de la combustion pour écarter la qualification de sous-produit :

« Au cas d’espèce, si la société requérante fait valoir que les mâchefers sont utilisés à des fins spécifiques, qu’il existe un marché certain, qu’ils respectent la législation et les normes applicables aux produits, et qu’ils n’ont pas d’effets nocifs pour l’environnement ou la santé humaine, il résulte de l’instruction, comme il a déjà été dit au point 9, que les mâchefers qu’elle reçoit nécessitent une transformation préalable pour être réutilisés comme matériaux routiers, et que leur réutilisation n’intervient pas dans la continuité du processus de production ou d’utilisation initial. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société requérante, les mâchefers ne peuvent être considérés comme des sous-produits dont elle ne souhaiterait pas se défaire, au sens des dispositions précitées de l’article 5 de la directive 2008/98/CE et de l’article L. 541-4-2 du code de l’environnement, éclairées par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. » (Cour administrative d’appel de Paris, 1ère chambre, 22 octobre 2020, 19PA00741)

En l’espèce, pour soutenir que le mélange B est un sous-produit, NOVAPEX soutient que le fait de « réunir » - en d’autres termes mélanger/transformer – dans le but de fluidifier des effluents (mélange A et mélange B), constituerait une « pratique industrielle courante », et non un traitement.

Une telle affirmation ne manque pas de surprendre.

En effet, cette transformation ressemble davantage à un traitement supplémentaire qu’à une simple pratique industrielle courante.

Sans celui-ci, NOVAPEX affirme elle-même que sans cette « fluidification », le mélange B ne pourrait être utilisé dans la chaudière.

Par ailleurs, NOVAPEX affirme qu’« aucune réaction chimique [n’aurait] lieu à ce niveau .

Ce qui ne peut être vérifié.  Seule une analyse laboratoire pratique sur deux échantillons (avant et après le mélange) démontrant la différence dans la composition physico-chimique pourrait permettre de s’en assurer.

Si la composition se trouve de facto modifiée lors du mélange des effluents, il pourrait alors être considéré qu’il s’agit d’un traitement supplémentaire.

Ainsi, il ressort de ces développements que l’exacte qualification de cette pratique est celle d’un traitement s’apparentant à la transformation préalable du résidu et non d’une pratique industrielle courante.

Par ailleurs, NOVAPEX s’appuie sur l’annexe 1 au décret du 10 mai 2012 transposant la Directive 2008/98/CE du Parlement Européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets pour affirmer que « l’opération de mélange ne constitue pas un traitement de déchets ».

Or, ce décret du 10 mai 2012 a été adopté par le Parlement et le Gouvernement wallon.

De telles dispositions - inapplicables aux faits de l’espèce - ne peuvent donc sérieusement servir de fondement juridique pour affirmer que le mélange en cause ne constituerait pas un traitement.

En toute hypothèse, cette référence réglementaire concerne non pas directement le traitement des déchets mais la « valorisation » ou l’« élimination » de certaines opérations de traitement, ce qui la rend d’autant plus inexacte.

Il ressort de ce qui précède que l’affirmation selon laquelle « l’opération de mélange ne constitue pas un traitement de déchets » peut purement et simplement être écartée, celle-ci n’ayant aucune valeur au regard du droit applicable.

I.2.3. Sur la prétendue affirmation selon laquelle le résidu « est produit en faisant partie intégrante d’une processus de production, c’est-à-dire que sa production est inévitable lors de la fabrication du produit final recherché par l’exploitant »

Sur ce point, il est difficile de se prononcer dans la mesure où les informations relatives à ce critère sont insuffisantes au sein des différents documents composant le dossier d’enquête publique.

I.2.4 Sur la prétendue affirmation selon laquelle le résidu « … a une composition constante dans le temps »

Au point 5.2.3.4 de son rapport de présentation, le pétitionnaire entend démontrer que le résidu aurait « […] une composition constante dans le temps ».

En ce qui concerne le mélange B, trois graphiques indiquent une relative stabilité de la composition :

-         Mesurée en carbone, hydrogène et oxygène du mélange B (figure 19)

-         Du PCS mesuré du mélange B

-         En soufre du mélange N (p.30-31).

Néanmoins, la mesure de la concentration en métaux du mélange B – tableau 8 - n’est pas associé à un graphique montrant l’évolution chronologique dans la démonstration du pétitionnaire, dès lors que seul un tableau de teneurs des concentrations en métaux dans le mélange B est produit.

Ces données ne permettent donc aucunement d’apprécier la stabilité des concentrations en métaux.

De même, l’évolution de la teneur en métaux du flux d’aliphatiques – tableau 9 – n’est pas non plus associé à un graphique mais à un tableau de teneurs.

Les analyses produites par NOVAPEX sont incomplètes. Cette justification n’est pas suffisante pour démonter la stabilité du flux.

I.2.5 Sur la prétendue affirmation selon laquelle le résidu « … répond à toutes les prescriptions relatives aux produits (norme par exemple, obligations au titre du règlement REACH, etc.) »

Au point 5.2.3.5 de son rapport de présentation, NOVAPEX entend démontrer que le résidu « … répond à toutes les prescriptions relatives aux produits (norme par exemple, obligations au titre du règlement REACH, etc.) ».

Dans ce cadre, NOVAPEX a produit des Fiches de données de sécurité (FDS) pour chacun des combustibles.

Or, d’une part, la comparaison établie avec les caractéristiques du fioul classique n'est pas suffisante pour démontrer le non-impact supplémentaire de la combustion du mélange B.

D’autre part, un guide Ineris (Guide INERIS - DRC - 18 - 173979-03331-D - Juin 2021 - Sortie du statut de déchet pour un usage combustible - Guide méthodologique pour la démonstration de l'incidence globale sur l'environnement et la santé humaine) est cité mais uniquement pour reprendre une phrase sur l'efficacité des procédés de combustion sur les CMR.

Ces seuls éléments sont insuffisants à démontrer le respect de cette cinquième condition.

I.2.6 Sur la prétendue affirmation selon laquelle « n’aura pas d’incidences globales négatives pour l’environnement et la santé humaine supérieures à un combustible classique »

Pour rappel, le texte de référence cité par NOVAPEX n’est plus celui en vigueur.

Une modification restrictive a été opérée dans la nouvelle version. En effet, une analyse comparative entre les deux textes met en lumière une différence importante.

Le sixième point des critères de qualification d’un « sous-produit » de l’ancienne version (25 avril 2017) est rédigé de la sorte :

« […] n’aura pas d’incidences globales négatives pour l’environnement et la santé humaine supérieures à un combustible classique »

Or la nouvelle version ne mentionne pas la réserve suivante « supérieure à un combustible classique », ce qui veut dire que l’autorisation ne pourra être accordée si l’exploitant n’est pas en mesure de démontrer que le résidu n’aura pas d’incidences globales négatives pour l’environnement et la santé humaine, sans qu’il n’y ait besoin de comparer les incidences globales à un combustible « classique ».

Dans sa démonstration, NOVAPEX admet elle-même que « Les combustibles brûlés par la chaudière Starval, comme le mélange B, présentent en eux-mêmes des dangers pour la santé humaine […] ».

Cette affirmation confirme ainsi que le sixième critère de qualification n’est pas rempli.

Il ressort de l’ensemble de ces observations que la démonstration de NOVAPEX ne permet pas de considérer que les résidus de production issus de son activité correspondent aux conditions de qualification d’un sous-produit.

Il est par ailleurs pour le moins surprenant que ces résidus de production issus de l’activité de NOVAPEX soient aujourd’hui considérés par l’administration comme des sous-produits, alors qu’ils avaient jusqu’alors toujours été qualifiés de déchets, dont le traitement était géré par la société SUEZ RR IWS Chemicals France.  

Le projet ne peut être autorisé en application des règles précitées.

II.       Sur les autres insuffisances entachant les documents soumis à l’enquête

En droit, on rappellera que l'omission ou l'insuffisance d’un dossier soumis à enquête publique est susceptible de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité d’une décision administrative lorsqu'elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population, ou si elle a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative (CE, 23 déc. 2011, Danthony n° 335033).

En l’espèce, plusieurs insuffisances sont de nature à entacher d’illégalité la procédure d’enquête publique.

En premier lieu, plusieurs éléments devant constituer réglementairement le dossier de demande d’autorisation environnementale ne sont pas disponibles.

Ainsi, d’une part, les titres de propriété des parcelles concernées par le projet ne sont pas produits.

D’autre part, il est également constant qu’aucune information suffisante relative aux garanties financières n’est apportée par le pétitionnaire.

Enfin, les plans de situation et du projet ne sont pas davantage versés au dossier, empêchant là encore le public de disposer d’informations suffisantes pour pouvoir apprécier l’impact du projet sur son environnement.

En second lieu, il existe une contradiction à la page 52 du document intitulé « Présentation – situation administrative ».

En effet, il y est indiqué que le projet n’a pas été soumis à étude d’impact dans la mesure où le projet ne constituerait pas une modification substantielle au titre des seuils et critères fixés à l’article R. 181-46-I du code de l’environnement.

Or, et de manière parfaitement contradictoire, il est ensuite indiqué que « Compte-tenu de la nature des modifications, elles sont considérées comme substantielles et une procédure d'autorisation [environnementale] est nécessaire ».

En troisième lieu, le fichier de présentation ne permet pas d’apprécier la compatibilité du projet au SDAGE Rhône-Méditerranée 2022-2027 compte tenu d’un problème de mise en page.

En effet, et ainsi que cela ressort de la vue ci-dessous reproduite, les éléments compris dans le tableau ne sont pas lisibles :

Tableau 17 : Compatibilité du projet avec le SDAGE Rhône-Méditarranée 2022-2027

Tableau sdage r m 2022 2027

              (1_Fichier décrivant le projet - REH2021N00722-RAM-RP-00003 R2, p.44)

Une telle erreur nuit de nouveau à la bonne information du public.

En quatrième lieu, l’étude d’incidence est elle aussi insuffisante quant aux niveaux de polluants pris en compte.

Il ressort en effet de l’étude d’incidence soumis à enquête publique qu’il n’y a pas de mesure en continu des polluants (en dehors du SO2, qui lui est surveillé de manière journalière).

Le paramètres NOx, CO, NH3 et COVT sont quant à eux surveillés une fois par an seulement.

Partant, le pétitionnaire ne dispose pas de suffisamment de données pour rendre compte à la DREAL en continu des émissions de polluants dans l’atmosphère.

Pourtant, l’arrêté du 3 août 2018 relatifs aux prescriptions générales applicables aux ICPE soumis à la rubrique 2910 impose que :

    « III. - Pour les installations de combustion équipées d'un dispositif de traitement secondaire des NOx pour respecter les valeurs limites d'émission, l'exploitant conserve une trace du bon fonctionnement continu de ce dispositif ou conserve des informations le prouvant. »

L’insuffisance est patente.

En cinquième lieu, l’analyse de l’impact sanitaire du projet est également insuffisante.

Les conditions de réalisation des essais de combustion sur le mélange B ne sont pas mentionnées. Il n’y a pas de mesure de COVT ni d’autres substances susceptibles d’être liées à la combustion du mélange B.

De plus, l’absence de COVT est basée uniquement sur les données du constructeur, ce qui paraît une justification insuffisante (p.77).

Le paragraphe qui porte les impacts résiduels sur l’air (4.9.5.) manque lui aussi de précisions et de pertinence ; en effet, le champ des entreprises prises en compte pour la comparaison n’est pas précisé.

De même, aucune précision n’est apportée quant aux risques associés à la combustion du « mélange B ».

En sixième lieu, l’étude est également insuffisante en ce qui concerne l’analyse des effets du projet sur le climat.

Il y est en effet indiqué que :

« La nouvelle chaudière NOVAPEX rejettera environ 30 ktonnes de CO2 par an. Cependant, elle s’inscrit dans la démarche de décarbonisation de la plateforme chimique de Roussillon. En effet, le projet DECARB’RON a pour objectif l’arrêt progressif des chaudières fonctionnant au charbon afin d’atteindre, pour un niveau d’émissions inférieures à 0,07 tonnes de CO2 par tonne de vapeur à l’échelle de la plateforme. Dans ce cadre, la valorisation de toutes les énergies fatales de la plateforme, et notamment les résidus de production des ateliers cumène et phénol au niveau de la nouvelle chaudière, participe à la baisse des émissions de GES de la plateforme » (Etude d’incidence environnementale, p.80).

Partant, et alors même que le projet en litige devrait contribuer à rejeter environ 30ktonnes de CO2 par an supplémentaires au droit du site, absolument aucune mesure n’est proposée pour éviter, réduire ou même compenser ce surplus d’émissions contribuant à l’aggravation du changement climatique.

Par ailleurs, il convient également d’indiquer que la mise en exploitation de cette installation (permettant le traitement des résidus de production issus de l’activité de NOVAPEX) induira nécessairement un manque à gagner énergétique dans la mesure où ces résidus de production - alors considérés par l’administration comme des déchets - étaient jusqu’à présent traités par la société SUEZ RR IWS Chemicals France, dont les installations de traitement de déchets situés sur le site de Roussillon continueront à fonctionner selon une optimisation bien moindre.

Or, un tel manque à gagner énergétique n’a pas davantage été pris en compte par le pétitionnaire, qui n’a analysé que l’augmentation de la consommation de certaines unités à l’échelle de la plateforme :

Incidence sur les consommations d'énergie /Utilités

L'exploitation de la chaudière impliquera une augmentation de la consommation de certaines utilités, gérées à l'échelle de la plateforme par OSIRIS. Les utilités concernées et augmentations de quantité associées sont détaillées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 33 : Impact du projet sur les utilités de la plateforme de Roussillon

Impact projet plateforme roussillonLes éléments pris en compte par le pétitionnaire sont donc insuffisants pour lui permettre de conclure à un impact « négligeable » du projet sur les consommations d’énergie.

Dirimante, une telle insuffisance est d’autant plus de nature à affecter d’illégalité la procédure conduite.

En septième lieu, l’étude de dangers manque également de précisions, de nature à entacher l’enquête publique d’illégalité.

D’une part, NOVAPEX s’appuie sur le fait que « Le site n’a jamais été impacté par l’une de ces catastrophes naturelles » (4.1.2) pour écarter les potentiels dangers associés à ce risque.

Une telle justification paraît particulièrement insuffisante.

En ce qui concerne le risque inondation, la délimitation du site d’implantation est peu précise sur la cartographie relative au risque inondation, ce qui nuit à la validité de l’analyse de la cartographie. (4.1.2.1).

La connaissance de la délimitation du futur site d’implantation aurait été d’autant plus souhaitable pour apprécier les risques liés au passage de canalisations de matières dangereuses (carte p.26, point 4.1.3.2).

Enfin, l’étude d’incidence environnementale est encore insuffisante en ce que le pétitionnaire ne se réfère à aucun des BREF (Best available techniques REFerence documents) disponibles.

Pour tenter de démontrer que l’objectif de réduction des émissions atmosphériques ne serait pas contrecarré par son projet, NOVAPEX affirme que la chaudière Starval ne serait pas concernée par les BREF LCP (Grandes installations de combustion), car non soumise à la rubrique ICPE 3110.

L’installation ne serait pas davantage concernée par le BREF incinération des déchets (WI), dans la mesure où elle s’apparenterait à « une installation de combustion avec des flux de combustibles qui sont des sous-produits ».

Donc, à en croire les affirmations du pétitionnaire, STARVAL ne relèverait d’aucun BREF et serait une installation sui generis.

Cela conforte la thèse de l’incompatibilité du projet avec la règlementation européenne.

Et, surtout, cette incapacité à se référer à quelques BREF que ce soit témoigne en réalité de l’absence totale de justification du recours aux meilleures techniques disponibles.

Une telle affirmation ne pourrait être envisagée que si les flux de combustibles étaient des sous-produits, ce qui n’est pas le cas, ainsi que cela a été démontré ci-avant.

Il appert donc que NOVAPEX a cherché à s’extraire du champ d’application de cet objectif, en raison de son incapacité à le respecter puisque le projet Starval aurait pour conséquence inévitable de générer des émissions supplémentaires.

Il ressort de ce qui précède que le dossier d’enquête publique est entaché d’insuffisance.

En conséquence, et pour l’ensemble des motifs évoqués ci-dessus, il apparait particulièrement fondé à vous demander de bien vouloir délivrer un avis défavorable sur le projet de création d’une nouvelle chaudière sur la plateforme chimique de Roussillon.

Vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à la présente, et restant naturellement à votre entière disposition pour évoquer avec vous ces différents points.

Marc-Claude de PORTEBANE

- Président d’AURA Environnement

- Porte-parole du Collectif COPAB (Collectif du Bol d’Air Pur) en Haute-Savoie, Savoie et Isère

- Fondateur et porte-parole de La Ligue de combat contre les cruautés envers les animaux (Plus de 45 000 Like sur Facebook) https://www.facebook.com/liguedecombatcontrelescruauteenverslesanimaux/

- Membre reconnu de la CNDP (Commission Nationale du Débat Public) à Loon-Plage vers Dunkerque

- Membre de l'espace collaboratif Plateforme d'échanges - Plan régional de prévention et de gestion des déchets - à la Région Bretagne

- Membre titulaire associé à la CSS en préfecture de l’Isère de la décharge LELY Environnement à Saint-Quentin-sur-Isère

- Membre de Greenpeace

 

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